Être graphiste en 2025, c’est travailler dans un monde hyperconnecté. Chaque projet implique d’envoyer des fichiers lourds, de partager des maquettes en ligne, d’échanger en visio avec des clients à l’étranger et de publier sur des plateformes créatives. Mais au Cameroun, cette réalité se heurte à un obstacle majeur : un internet instable et lent.
Avec l’interdiction du service par satellite Starlink, qui promettait une connexion rapide et stable partout, les créatifs se retrouvent une fois de plus bloqués dans un contexte numérique fragile.
Internet : l’oxygène des graphistes
Pour un graphiste, la connexion n’est pas un luxe, mais un outil vital.
- Envoi de fichiers lourds : une affiche haute résolution, une vidéo promotionnelle ou un rendu 3D peut peser plusieurs gigas. Avec une connexion lente, l’envoi peut prendre des heures, voire échouer.
- Collaboration internationale : appels Zoom ou Teams qui coupent, partage de dossiers via Google Drive ou Behance qui rame, deadlines qui s’évaporent.
- Accès aux ressources : banques d’images, mises à jour logicielles, typographies ou plugins sont souvent inaccessibles faute de bande passante suffisante.
Un internet lent transforme chaque étape du travail en parcours du combattant. La créativité est là, mais elle se heurte à la lenteur de la connexion.

Le contexte camerounais : lenteur et dépendance
Le Cameroun dépend presque exclusivement de quelques câbles sous-marins (SAT-3, WACS). À chaque panne ou maintenance, c’est tout un pays qui ralentit.
Les opérateurs locaux – Camtel, MTN, Orange – offrent des forfaits coûteux, avec une qualité inégale et souvent insuffisante pour les besoins professionnels.
Pour les graphistes freelances, cela signifie perdre des clients internationaux incapables d’attendre. Dans un marché compétitif où un Indien ou un Polonais peut livrer un fichier en quelques minutes, le Camerounais met des heures. Et ce retard se paie cash : contrats perdus, réputation ternie, frustration quotidienne.

Starlink : un espoir brutalement bloqué
L’arrivée de Starlink avait suscité beaucoup d’espoirs :
- Débits jusqu’à 250 Mbps,
- Stabilité même en zones rurales,
- Liberté de travailler depuis n’importe où.
Pour les graphistes, c’était la promesse de jouer dans la même cour que les créatifs du reste du monde. Mais en 2024, le gouvernement a interdit l’importation des kits Starlink, invoquant l’absence de licence et la nécessité de protéger Camtel. Les équipements ont été saisis, et le service suspendu.
En quelques jours, ce qui ressemblait à une petite révolution s’est transformé en un rêve brisé.

Quand la politique freine la créativité
Le blocage de Starlink révèle un dilemme profond:
- D’un côté, l’État défend sa souveraineté numérique et la survie de son opérateur national.
- De l’autre, des milliers de créatifs, freelances et entrepreneurs voient leurs ambitions freinées par un choix qui privilégie des intérêts politiques au détriment de l’innovation.
Comment un graphiste peut-il respecter un client européen si son internet coupe au moment de l’envoi ? Comment un étudiant en design peut-il suivre un cours en ligne si la vidéo ne charge pas ?
À force, ce n’est pas seulement la productivité qui est en jeu, mais la capacité de la jeunesse camerounaise à s’insérer dans l’économie créative mondiale.
Internet comme droit créatif
L’affaire Starlink au Cameroun dépasse largement la technique. Elle pose une question fondamentale : peut-on encore être compétitif dans les métiers créatifs sans une connexion stable et rapide ?
Aujourd’hui, les graphistes camerounais ne craignent pas d’être remplacés par l’intelligence artificielle. Leur plus grand obstacle est bien plus basique: avoir assez de bande passante pour envoyer leurs créations.
Tant que cette fracture numérique perdurera, la créativité locale restera bridée, non par manque de talent, mais par un fil invisible: celui d’une connexion fragile.





